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Navigateurs Aériens et DENAEde l'Aéronautique Navale |
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(1931-2018)
1967
Le 10 janvier c’est le retour à la base d’Hyères. J’effectue quelques vols et le 15 janvier le commandant de la flottille me convoque dans son bureau. Il m’annonce qu’il vient de recevoir un coup de téléphone de la direction du personnel militaire (D.P.M) de Paris et je vais être affecté à la section P2V6 (lutte anti-sous-marine et surveillance maritime) sur la B.A.N Nîmes-Garons. La mutation prend effet à compter du 20 février et je dois remplacer un officier de 3ème classe qui a demandé sa mise à la retraite. La section doit partir pour une nouvelle campagne dans le Pacifique et sera basée sur la base de HAO. Je suis pour la D.P.M, le remplaçant idéal, car j’arrive en fin d’affectation à la flottille 9F.
Le soir en rentrant à la maison, je ne sais comment annoncer la nouvelle à Juliette, je viens à peine de défaire mes valises. Le commandant m’avait appris que la campagne serait beaucoup moins longue que la précédente et que dès demain j’effectuerai un aller et retour sur Nîmes en Alizé pour connaître plus de détails sur notre mission. Juliette prend très bien l’annonce de mon départ et elle m’encourage pour cette nouvelle séparation. Notre couple est solide, c’est primordial et j’en suis réconforté.
Le 16 janvier je vais à Nîmes et je suis reçu par le commandant de la section P2V6, le lieutenant de vaisseau BESSET. Il m’explique que nous rejoindrons la base de HAO vers le 20 avril, la liaison se faisant par Air France, et que je serai affecté à l’équipage du lieutenant de vaisseau POUJADE. Avant notre départ pour le Pacifique je dois effectuer quelques vols sur l’aéronef afin de me familiariser avec le matériel.
A mon retour le commandant de la 9 F m’accorde, après les formalités de débarquement, des permissions jusqu’au 20 février 1967.
La section P2V6 est placée sous les ordres du Chef des Services Opérations de la B.P.A.N Nîmes. Nous effectuons des missions au profit de l’escadre de la Méditerranée ou du centre d’essais de l’île du Levant. A bord nous sommes neuf, il y a deux officiers : le commandant de bord et le coordinateur tactique.
Le 21 février j’effectue un vol de 6 heures jusqu’à une centaine de milles des côtes de l’Algérie. Dans une zone les fusées sont tirées depuis l’île du Levant et notre mission consiste à déterminer le point exact d’impact. Nous utilisons un appareil « LORAN CHARLIE » et nous pouvons obtenir le renseignement à une centaine de mètres près. Pour mon premier vol ce n’est pas facile pour travailler, mais nous avons déterminé la position exacte dans le réceptacle.
Le vendredi soir nous regagnons, avec le lieutenant de vaisseau COUIX qui habite TOULON, nos familles et nous sommes dispensés de service les week-ends. Le lundi matin nous devons être rentrés vers les 9h00-10h00. Je peux ainsi passer tous mes week-ends à Six-Fours.
Courant mars je suis désigné pour suivre un stage de sécurité défense radiologique à Cherbourg. La mission doit durer dix jours et comme je suis le nouvel officier de la section, cette corvée m’incombe. Au fond c’est très intéressant et j’apprends beaucoup de choses qui me sont inconnues sur la physique nucléaire, les radiations et la protection sur les rayons ionisants. Je suis placé en frais de mission au taux non logé ni nourri et j’héberge au cercle naval. Cela ne me coûte pas cher et j’ai un bon supplément de solde. Pendant ces dix journées je ne vois pas un seul jour le soleil. Il y a toujours un brouillard épais digne de Londres au bord de la Tamise.
Avant notre départ pour le C.E.P nous avons une quinzaine de jours de permission et il faut préparer la « VALTEX », emporter les équipements de vol. Il me faut ensuite quitter ma petite famille et je compte sur Christian, qui vient d’avoir 10 ans, pour aider sa maman. Je souhaite que ces quatre mois de séparation passent le plus vite possible.
La deuxième campagne du Pacifique
Le 21 avril nous quittons Paris pour Los Angeles et le vol est réalisé sur un BOEING 707 de la compagnie Air France. Nous avons des vents contraires et le vol est réalisé de jour. Nous sommes obligés d’effectuer une escale technique à SPOKANE dans l’état de WASHINGTON. C’est au début de la nuit que l’appareil se pose à Los Angeles et nous apercevons une ville immense, pendant au moins les vingt minutes de descente ce sont des millions de lumières qui scintillent au sol.
Avant l’atterrissage, nous sommes contactés par une hôtesse de l’air pour nous demander si nous acceptons de rester deux jours à Los Angeles avant de rallier Tahiti. Air France et U.T.A. pratiquent déjà le surbooking, le chef de détachement accepte pour une trentaine de personnes, les deux journées à l’hôtel et les 150 dollars d’indemnité.
Le 22 avril nous avons donc quartier libre et nous allons au MARINLAND, c’est la première fois que je vois un spectacle avec des orques et des dauphins. Je suis émerveillé.
Le 23 avril c’est l’arrivée sur l’aéroport de FAAA. Nous étions sur un D.C.8 de la compagnie U.T.A et le vol a duré 8 heures. Il est cinq heures du matin et la température excède les 30°, il y a une chaleur humide et nous transpirons beaucoup avec nos tenues d’hiver. Quand je vais récupérer ma valise « VALTEX » qui est bondée, j’ai la désagréable surprise de constater qu’il n’y a plus de poignée. J’entreprends aussitôt les démarches nécessaires auprès d ’U.T.A pour me faire indemniser. Je perçois 5000 CFP (275 FF), c’est bien mais porter une valise aussi lourde sans poignée, quelle galère ! Je pourrais la faire réparer à HAO.
Nous restons à PAPEETE jusqu’au 3 mai, nous sommes logés à PIRAE, la plage se trouve à proximité c’est super. Le soir du 23 avril j’arrose avec les copains mes 36 ans. Le lendemain nous allons au centre administratif pour les formalités d’embarquement et percevoir une avance sur solde.
J’étais déjà venu sur HAO qui est une grande île. L’atoll est le deuxième plus grand après RANGIROA. Comme officier, je suis logé dans une chambre individuelle et confortable.
La campagne de tir doit commencer en juin, ce qui nous laisse tout le loisir d’explorer l’atoll, aussi bien en surface que les fonds marins dans le lagon, voire sur le platier corallien. Nous nous faisons d’autres copains avec deux autres équipages qui viennent arriver de Lann-Bihoué.
Le matin nous nous rendons à la base opérationnelle, et nous sommes en quartier libre l’après-midi : balade, pêche et le soir : jeux de tarots ou cinéma. Le mois de mai, nous n’effectuons que trois petits vols techniques, le potentiel d’heures de vol doit être conservé pour les tirs. Il faut s’occuper pour passer le temps, le stress d’être éloigné du monde provoque des suicides parmi les militaires. D’ailleurs 20 ans plus tard, lors de l’affaire du RAINBOW WARRIOR, la Nouvelle-Zélande acceptera que les faux époux TURRENGE, soient considérés comme en prison sur l’atoll.
La situation internationale s’aggrave au Moyen-Orient, surtout entre Israël et l’Egypte. L’approche d’un conflit est imminente et nous n’avons que peu de nouvelles. Les liaisons aériennes internationales sont perturbées et nous ne recevons plus régulièrement le courrier.
Fin mai j’apprends par une grande lettre de Juliette, le décès de mon cher ami René BOUJON, ses parents l’ont retrouvé, mort, au matin dans son lit. Cette nouvelle me fait beaucoup de peine et j’écris aussitôt une lettre à ses parents pour exprimer mon émotion.
Le 2 juin 1967, la guerre éclate entre les belligérants : Egypte, Syrie, Irak et Jordanie d’une part et Israël. Trente-six heures après le début des hostilités la victoire Israélienne est totale sur tous les fronts. La bataille avait débuté par une attaque massive de l’aviation israélienne sur les aérodromes du Sinaï, du Caire, de Damas et d’Amman. 400 avions arabes sont détruits au sol. Après cette maîtrise absolue des airs, l’offensive terrestre est rapide et en six jours les Israéliens atteignent les rives du Canal de Suez. Le Président égyptien NASSER doit accepter le cessez le feu proposé par l’O.N.U.
Le 5 juin, le premier tir de cette campagne 1967 est effectué : « ALTAIR ». L’explosion nucléaire a lieu sous un énorme ballon et nous n’utilisons plus les bouées pour mesurer la radioactivité. Les prélèvements sont effectués depuis l’appareil par des tuyères « BERTIN ». Nous avons un « PATTERN » (le PATTERN est une figure imposée, par exemple pour mouiller des bouées acoustiques sur le lieu de la dernière position vue ou estimée d’un sous-marin) à suivre à l’arrière du nuage radioactif et les particules en suspension sont recueillies sur des filtres.
Pendant tout le vol, nous surveillons l’activité de nos compteurs GEIGER-MULLER et nous entendons nettement le crépitement provoqué par le rayonnement gamma. Au retour de la mission, l’appareil Neptune P2V6, est pris en charge par les équipes de décontamination. L’avion est lavé aux jets à grande eau et l’équipage est dirigé vers le centre de décontamination. Nous abandonnons tout notre équipement de vol et c’est le passage à la douche, nous ne portons aucun effet personnel. Les dosimètres individuels indiquent des doses compatibles avec des missions ultérieures, ce ne sera pas le cas d’un Vautour de l’armée de l’air qui est allé trop près du nuage atomique. L’appareil ne peut pas être décontaminé et il sera éloigné de la base, le pilote est rapatrié sur la France.
J’ai l’intention, dès mon retour en métropole, de postuler à un emploi de 1ère catégorie au Trésor Public. Tous les soirs je lis pendant une heure les cours de législation financière et j’ai un bon somnifère. Ce concours, par le biais des emplois réservés, comporte beaucoup de questions sur le code civil, etc.
Je ne reçois pas d’excellentes nouvelles de France. Juliette est fatiguée par une hépatite A et le médecin de Sanary souhaiterait l’hospitaliser. Juliette préfère rester auprès des deux garçons et Christian la seconde bien en accomplissant les courses et en allant à la poste retirer de l’argent. Le médecin de la base me rassure toutefois sur cette maladie et me confirme l’état de faiblesse que cela inflige aux malades.
Mon équipage ne participe pas au deuxième tir et le troisième essai est réalisé le 27 juin, c’est le dernier tir de la campagne : « ANTARES ». Nous appliquons les mêmes procédures et tout se déroule normalement.
La bombe était accrochée sous un ballon gonflé à l’hélium. Le ballon était disposé à quelques centaines de mètres de hauteur face aux P.E.A (Poste d’Enregistrement Avancé). Cette technique de tir devait empêcher la boule de feu créée par l’explosion de toucher le lagon et ainsi de créer moins de contamination. En réalité, ces tirs étaient aussi très contaminants. Les trois P.E.A (Dindon, Denise et Frégate) étaient utilisés alternativement. Il fallait laisser quelques semaines de travail aux décontamineurs pour nettoyer la zone où un tir avait eu lieu avant de procéder aux préparatifs pour le tir suivant.
Nous préparons notre retour qui sera effectué en deux temps. Il faudra convoyer trois P2V6 de la Polynésie, jusqu’à la base de stockage de l’U.S. Navy à TUCSON dans l’Arizona, et ensuite nous serons rapatriés sur Nîmes par avion américain. Les Neptune P2V6 doivent être rétrocédés aux Etats Unis.
Les opérations sont terminées, nous devons rejoindre FAAA à Tahiti pour une dizaine de jours. La télévision française procède au tournage de deux épisodes du feuilleton de TANGUY et LAVERDURE, « Les Chevaliers du ciel », et je rejoins FAAA en DC6. Je suis en permission le 13 juillet et je peux assister aux festivités du juillet tahitien. Le 15 juillet je vais passer la journée à Bora-Bora, grâce à mes bonnes relations de l’armée de l’air, je suis en équipage dans leur Breguet 763 deux ponts.
Il y a donc quelques séquences à filmer sur les environs de Bora-Bora et notre Neptune dont le pilote est Jean-Louis POUJADE, est un avion espion pris en chasse par un Vautour. Toute l’action se passe en tournoyant au-dessus du magnifique massif montagneux de l’île.
Le 27 juillet nous allons passer la journée à RANGIROA, le plus grand atoll des TOAMOTOU, baignade dans le lagon où nous pouvons voir de beaux requins. C’est aussi l’occasion de vérifier une dernière fois le parfait état de notre matériel et de notre équipement avant notre traversée du Pacifique vers les Etats-Unis.
Le 3 août, nous quittons la base d’HAO avec les trois appareils et nous rejoignons FAAA. Nous effectuons encore un vol pour le tournage du feuilleton télévisé et nous passons la journée à Bora-Bora. Je reste sur le « motu » où se trouve le terrain et je contemple le lagon. L’eau est d’une transparence de cristal et j’observe les environs. Une énorme murène est sortie de l’eau et attaque un gros crabe. Avec ses dents acérées, elle a réussi à attraper le crabe, elle ne peut pas le ramener dans son trou sous l’eau et le crabe continue de courir sur ses pattes sans calotte supérieure. Quel dommage de ne pas avoir de caméra !
Le 8 août 1967, vers 21 heures, nous décollons vers HAWAII. Les trois Neptune s’envolent espacés de 10 minutes et nous devons maintenir un contact permanent entre nous. La durée de vol prévue est de douze heures pour rejoindre BARBERS POINT sur l’île d’OAOU. Notre seul terrain de dégagement est l’île de CHRISMAS, possession anglaise, qui a servi aux expérimentations nucléaires britanniques. Nous survolons CHRISMAS vers 4 heures du matin, nous avons très beau temps et avec mon navigateur, toutes les trente minutes, nous effectuons trois visées astronomiques. Nous incluons à chaque fois une étoile de la Croix du Sud « ACCRUX », ce qui nous permet de connaître exactement la latitude de notre avion et sa vitesse au sol. Nous atterrissons après 12 heures trente de vol à HAWAII et il est la même heure qu’à PAPEETE. Le temps de parquer les avions et c’est à midi que nous rejoignons la base vie. L’après-midi nous n’avons qu’une envie, dormir, et c’est demain que nous irons à HONOLULU.
La base de l’U.S NAVY est située à une trentaine de kilomètres d’HONOLULU et à l’aller nous avons à notre disposition un bus de la marine américaine. Au retour, pour profiter au maximum de notre journée, nous utiliserons le taxi. Nous rejoignons immédiatement la station balnéaire de WAKIKI, il y a une magnifique avenue avec de grands hôtels. Beaucoup de touristes japonais viennent visiter PEARL HARBOR, nous trouvons les Japonaises fort belles, élégantes et elles sont de bonnes clientes dans les magasins de luxe. Les grands couturiers et parfumeurs ont leurs enseignes à WAKIKI. En fin d’après-midi nous allons réaliser quelques achats sur la base américaine. Dans les NAVY-EXCHANGE il y a toujours des affaires intéressantes.
Le lendemain nous retournons en ville pour visiter HONOLULU, le quartier chinois et nous profitons de la plage. Nous restons une journée supplémentaire à HAWAI car un des appareils est en panne
Le 12 août à 21 heures nous décollons pour Los Angeles. Le vol est prévu pour 12 heures de traversée maritime et il n’y a pas de terrain de déroutement entre les îles HAWAII et la Californie. A mi-parcours il y a un bâtiment stationnaire météo doté d’une balise radio NDB et c’est tout. Pour nous guider nous effectuerons de la navigation astronomique de nuit comme de jour. Mon équipage est le premier à s’envoler et après une demi-heure de vol nous avons l’île d’HAWAII sur notre gauche et nous apercevons le volcan et de nombreuses coulées de lave incandescente descend presque jusqu’à l’océan, le spectacle est magnifique. Dès que les îles disparaissent de nos écrans radar nous effectuons un fixe astronomique toutes les quarante minutes. Nous avons une bonne protection météo et le beau temps est prévu pour tout le trajet. Nous contactons le bateau météo qui nous communique sa position et le relèvement distance de sa détection radar. Comme le jour se lève, il n’y a plus d’étoiles et nous délaissons la navigation pendant une heure trente et nous en profitons pour faire un petit somme, bercés par le ronronnement des deux moteurs. Jusqu’à l’arrivée à Los Angeles nous effectuons des visées sur le soleil et nous arrivons à deux minutes près à l’heure d’arrivée sur l’aérodrome. Il y a énormément de trafic aérien sur l’aéroport international de L.A et nous semons un peu la panique avec l’arrivée de nos trois Neptune. Notre équipage a bien navigué car nous arrivons avec 40 minutes d’avance sur notre suivant, parti 10 minutes après nous.
La voiture de piste « FOLLOW ME » nous emmène dans un coin perdu du terrain, nous dérangeons des centaines de lapins de garenne. Le consulat de France nous a réservé des chambres dans un hôtel situé à proximité de l’aéroport. Nous allons au Marin land et le lendemain nous passons la journée à DISNEYLAND, au royaume de Mickey.
Le 14 août nous décollons pour notre dernier tronçon, TUCSON dans l’Arizona. Il fait un temps magnifique, nous survolons la vallée de la mort et à 10 000 pieds nous avons une vue d’au moins 50 à 60 nautiques. C’est de très loin que nous apercevions la base et il y a des centaines d’avions alignés, le soleil brille sur les carlingues.
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Après notre atterrissage nous sommes emmenés sur un immense parking et, nous remettons aux autorités américaines venues nous accueillir, tous les documents de l’appareil et nous apprenons, avec un pincement au cœur, que nos trois Neptune vont aller directement à la casse. Quel gâchis en heures de vol et en argent !
Nous devons attendre maintenant notre rapatriement en France par un avion de l’U.S. Air Force, nous aurons un préavis de 24 heures ce qui nous laisse le temps de nous balader. Nous sommes logés en ville dans un motel avec piscine et nous profitons aussitôt l’après-midi pour visiter le vieux TUCSON. C’est un lieu propice aux tournages de westerns en décors naturels.
Le soir nous décidons d’aller jusqu’à NOGALES au Mexique et nous louons pour l’occasion une grosse voiture américaine. Notre commandant de bord et pilote, le L.V. POUJADE est chargé de maîtriser l’engin. Nous passons sans problème les postes de douane et de police et nous commençons notre ballade nocturne. Il y a surtout des boîtes de nuit et des bordels, et un violent orage arrive, un déluge nous tombe dessus. Il parait qu’il ne pleut que un ou deux jours par an dans cette ville... Comme nous sommes en chemisette il faut vite acheter un vêtement mexicain en protection qui ressemble à des serpillières multicolores. Plus tard cela fera le bonheur de Christian lors des jeux de cow-boy et d’indiens. J’en profite dans la boutique pour acheter une poupée pour la collection de Juliette. A l’issue nous traînons de boîtes en boîtes jusqu’à une heure du matin. Au retour, sur la route, il n’y a presque personne et nous avons brusquement dans nos phares la présence d’un énorme buffle. C’est avec méfiance et au ralenti que nous passons près de lui.
Notre séjour dans l’Arizona sera de courte durée, le 16 nous embarquons à bord d’un énorme C124 de l’U.S. Air Force qui doit se rendre en Allemagne et qui fera un détour par Nîmes-Garons.
Il n’y a que quelques couchettes, mais qu’importe nous dormirons par terre. Nous pensions voir la terre depuis les hublots, mais pendant neuf heures de vol nous sommes au-dessus d’une couche de stratus. Nous nous posons sur le terrain militaire de DOVER, près de New-York, il s’agit d’une courte escale car il n’y a pas de possibilité de logement. Nous redécollons pour MAC GUIRE à trente minutes de vol.
L’escale suivante est la base de LAJES dans l’archipel des ACORES. Elle est dotée d’un parking immense, construit pour pouvoir accueillir simultanément des dizaines d’appareils. Les gros porteurs nécessaires pour forcer le blocus de BERLIN faisaient escale à LAJES et c’est un véritable pont aérien qui fut établi entre les Etats Unis et l’Allemagne, lors de l’édification du mur de Berlin.
Il faut encore huit heures de vol, de LAJES à Nîmes-Garons, mais nous touchons au but. Dans l’avion nous célébrons notre retour au pays en débouchant quelques bouteilles de Champagne planquées par des gars de l’équipage. Le commandant de bord qui entend les détonations provoquées par les bouchons qui sautent vient pousser une gueulante car dans les avions américains l’alcool est strictement interdit. Nous n’en avons rien à faire et nous buvons quand même. Nous atterrissons vers les midis à Garons et j’ai la grande joie de trouver Juliette à l’arrivée. Elle s’est débrouillée à connaître notre heure d’arrivée en téléphonant au PC OPS de la base. Il nous a fallu presque trente heures de vol pour rallier TUCSON à Nîmes.
Le Commandant HEDON, chef des services opérations dont la section P2V6 dépend, nous accorde un mois de permission. L’après-midi, nous allons visiter dans Nîmes un appartement des armées qui sera libre le 25 septembre. Il s’agit d’un appartement situé au 5ème étage, de type P3 avec une belle salle de séjour et une grande chambre pour les parents. L’immeuble situé à l’est de Nîmes, dans le quartier de la croix de fer, s’appelle le « Mas du diable ». L’appartement nous convient et dès notre retour à Six-Fours, il nous faut préparer le déménagement.
Nous profitons bien de nos vacances tous ensemble et c’est avec du regret, que nous quittons notre villa au bord de l’eau.
Début octobre je commence à revoler à Nîmes-Garons et nous effectuons des missions pour l’Escadre de la Méditerranée, le centre d’essais du Levant et des voyages sur l’île de Malte. Toutes les semaines un P2V6 effectue une liaison à Malte, avec à l’aller comme au retour des surveillances maritimes dans le canal de Sardaigne et l’identification des bateaux soviétiques qui sont au mouillage au large d’HAMMAMET en Tunisie. Nous restons deux jours à Malte et nous sommes invités par le Capitaine de Vaisseau et Madame de LA VALETTE (un nom prédestiné...). Nous en profitons pour nous ravitailler en whiskies, porto, confiseries anglaises, pudding et autres produits anglais. De notre côté, nous apportons des produits de France comme saucisson d’Arles, jambon, mâche, etc.
Nous nous plaisons beaucoup dans notre nouvel appartement, Juliette fait de nouvelles connaissances et les enfants ont de nouveaux copains. Christian va à l’annexe Jean REBOUL du lycée Alphonse DAUDET de Nîmes, il entre en 5ème.
Pendant mes permissions de septembre, la Flottille 22 F a perdu un Breguet Atlantic avec 16 personnes à bord. L’avion au cours d’un exercice de navigation polaire a percuté le mont SPITZBERG. L’appareil était en panne totale de radar et la commission d’enquête, en analysant les enregistreurs de vol, découvre qu’il y avait une erreur de 30 nautiques entre le tracé table et la position réelle de l’avion. Ces événements vont déclencher une polémique à l’Etat-major Aéro-IIIème Région et Nîmes-Garons. Un Capitaine de Vaisseau reproche au Commandant de la 22 F d’avoir envoyé un équipage avec un commandant de bord et un coordinateur tactique, officiers des équipages. Au début de la mise en service des Atlantic, il était prévu d’avoir trois pilotes à bord et c’était le commandant de bord qui se situait à côté du coordinateur tactique. Mais cela ne plaisait pas aux pilotes d’être dans le noir et de se faire balancer à l’arrière. Le commandant de bord s’est vite retrouvé à la place avant gauche et la place à côté du coordinateur s’est retrouvé vacante.
En novembre nous effectuons en P2V6 quelques vols au profit du centre d’essais de l’île du Levant et en décembre nous réalisons des « SURMARS » (surveillances maritimes) avec escale à Malte.
Le 22 décembre, c’est le vol final à quatre Neptune, avec un défilé aérien sur la base et au-dessus de Nîmes. C’est la fin des P2V6, et le 29 décembre je suis affecté à la Flottille 22 F de la B.A.N, flottille commandée par le Capitaine de Corvette CHEVALIER.