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Navigateurs Aériens et DENAEde l'Aéronautique Navale |
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(1931-2018)
1970
Comme la famille s’est agrandie, nous envisageons d’accéder à la propriété et d’acheter un appartement dans le premier semestre de cette année. Depuis 1966, nous avons un plan d’épargne logement à la Caisse d’Epargne et nous pourrons bénéficier de prêts à des taux d’intérêts relativement faibles auprès du Crédit Foncier de France et du Comptoir des Entrepreneurs. Près du supermarché Casino, route de Caissargues, un projet immobilier est en cours de réalisation, les immeubles ont un abord sympathique. Nous visitons l’appartement témoin qui nous plait beaucoup, mais que nous trouvons hélas trop petit.
En janvier 1970, je ne vole pas beaucoup, l’activité la plus importante pour l’équipage Victor Bravo se situe au mois de février. L’équipage est opérationnel et nous participons à tous les exercices inter alliés en Méditerranée.
Le 26 février, dans le cadre de l’exercice « GILLES II », nous emmenons avec nous deux commandants de sous-marins de la 2ème escadrille de sous-marins de Toulon.
Il y a une tempête dans le golfe du Lion, le vent souffle à une moyenne de 50 nœuds (90 km/h) et nous volons au milieu des orages. Nos deux commandants se trouvent dans la tranche tactique de l’aéronef pour observer les techniques de détection et de lutte contre les sous-marins qui sont en plongée quelque part en dessous de nous. Ils se doutent que nous n’avons aucune chance de trouver les sous-marins qui participent à l’exercice radar. Le retour de mer ôte toute probabilité de pouvoir détecter par le senseur. Nous mouillons un Pattern de 8 bouées acoustiques pour utiliser en passif les bruits émis en plongée par les sous-marins. Le vol s’effectue de nuit et comme nous ne sommes pas très loin de la côte Corse, les pilotes redoublent de vigilance pendant les périodes où le radar est stoppé.
L’appareil effectue des slaloms entre les cumulo-nimbus à l’altitude de 1000 pieds (300 mètres) lorsqu’un premier éclair (de foudre), dans un bruit assourdissant, atteint l’Atlantic par l’avant (au niveau du nez-vitre). L’éclair aveugle le veilleur et les deux pilotes.
Les deux sous-mariniers se demandent dans quelle galère nous les avons embarqués et nous poursuivons la mission puisque nous ne recevons pas l’ordre de rentrer à la base.
Une heure plus tard, nous subissons un deuxième foudroiement, cette fois ci la boule d’électricité passe par l’appareil, mais n’occasionne pas de dégâts. Le phénomène est vraiment impressionnant.
C’est avec un réel plaisir que nous retrouvons la terre ferme sur la base de Garons, les deux commandants nous remercient du vol mais nous confient que ce n’est pas de sitôt qu’ils accepteront une invitation à voler sur Breguet Atlantic…
Le 4 mars 1970 au large du cap Sicié, le SM EURYDICE disparaît dans les profondeurs de la Méditerranée. Le sous-marin effectue à ce moment-là une manœuvre avec un Atlantic de la flottille. Le temps est exécrable avec une mer de force 6 à 7 (c’est-à-dire avec des vents de 55 à 70 km/h) et à l’issue de l’exercice le sous-marin n’a pas fait surface. On ne saura jamais ce qui s’est réellement passé. Dans le secteur de plongée, il n’y avait aucun gros bâtiment de surface pouvant donner un risque de collision.
Les sous-marins possèdent des moyens de détections acoustiques modernes et performants, les commandants sont toujours vigilants lors de la remontée à immersion périscopique. Les 57 marins de l’équipage sont portés disparus.
L’équipage Victor Bravo, a choisi pour son premier grand voyage, le Brésil : Destination Rio de Janeiro. Nous préparons soigneusement ce voyage, nous ferons une escale à Dakar où nous devrions rester trois jours aux ordres du COMAR DAKAR, et au retour, nous ferons escale à Las Palmas, aux îles Canaries.
Nous partons le 11 mars et après sept heures de vol de nuit, nous sommes au large de la Mauritanie où nous effectuons une surveillance des pêches. La mission consiste à aller de chalutiers en chalutiers pour relever l’immatriculation des navires. Nous sommes en liaison permanente avec Dakar qui nous indique immédiatement si le bateau est autorisé à pêcher dans la zone réservée.
Le banc d’ARGUIN, avec ses faibles fonds, est une des zones les plus poissonneuses au monde et outre quelques chalutiers français, nous survolons surtout des bâtiments russes, japonais et coréens. Ces nations possèdent des bateaux usines et pillent littéralement la zone de pêche.
Cela me fait toujours plaisir de retrouver Dakar, nous sommes logés sur la base d’OUAKAM. Nous disposons d’un minibus pour nous rendre en ville et nous balader. Le surlendemain nous avons une nouvelle mission de surveillance pêche, et nous allons nous poser à NOUAKCHOTT, capitale de la Mauritanie. J’ai le plaisir de retrouver sur le tarmac de l’aéroport, mon copain SAVIGNY, nous avions fait le Brevet Elémentaire et le Brevet Supérieur ensemble. Il a quitté la Marine et il travaille à l’escale de l’Union des Transports Aériens (U.T.A) comme chef du fret.
Le 16 mars 1970, nous décollons de Dakar pour Rio de Janeiro. Le vol s’effectue presque uniquement de nuit, et le but est d’accomplir une navigation astronomique. Toutes les trente minutes, nous réalisons des visées sur trois étoiles et nous trouvons notre position à cinq nautiques près (9 km). A cette époque dans l’Atlantique Sud, nous ne possédons aucune aide à la navigation et aucun moyen de radionavigation.
Au petit jour, le 17 mars, nous découvrons la baie de Rio de Janeiro, le Pain de Sucre et le « Corcovado » sur lequel est implantée une immense statue du Christ.
Nous sommes accueillis à l’aéroport par monsieur de TROCONIZ, un adjudant-chef, adjoint de l’officier attaché militaire auprès l’Ambassadeur de France à Rio de Janeiro.
Pendant toute la durée de l’escale, il sera notre guide et parlant couramment le Portugais, il nous sera d’une grande utilité. Nous logeons dans un bel hôtel du centre et non pas sur la plage de Copacabana. Il n’est pas question de rester à l’hôtel malgré la fatigue du vol de nuit et, dès le premier jour, nous montons au Pain de Sucre.
De ce rocher, nous avons une vue sur la plage de Copacabana et sur la montagne où se trouve le Christ Rédempteur. En soirée nous effectuons une ballade classique le long de la plage de Copacabana, il y a une foule de badauds et de nombreux joueurs de football. Un peu partout nous voyons de petites bougies scintiller, des cariocas érigent des constructions dans le sable où sont disposés différents objets. On nous explique que ce sont des incantations suivant des rites païens, pour conjurer le mauvais sort ou pour jeter un sort sur une personne. En spectateur, nous suivons la scène de loin.
Le lendemain, c’est l’excursion au Corcovado. Il faut d’abord prendre un car puis monter au funiculaire. Tout autour de ce massif montagneux règne la forêt vierge et nous apercevons même, depuis la route, un énorme serpent vert pendu à une branche d’arbre.
La statue du Christ est vraiment magnifique, la nuit avec son éclairage et son isolement sur la montagne on ne voit qu’elle. Au dernier balcon nous pouvons prendre des photos et admirer le paysage, nous avons une vue sur la plage de Copacabana et le Pain de Sucre.
Madame de TROCONIZ nous emmène dans une bijouterie où servent les personnels de l’ambassade de France à RIO. Je peux choisir pour Juliette une topaze et une aigue-marine. Le Brésil est un pays riche en pierres précieuses.
J’en profite également pour acheter des cadres garnis de papillons multicolores, des cendriers en agate et un cerf-volant.
C’est avec regret que nous quittons ce beau pays, nous trouvons tous l’escale beaucoup trop courte (moins de 48 h) et nous décollons pour les îles Canaries à 22h00.
Il nous faut presque 13 h de vol pour atterrir ce 19 mars à Las Palmas.
Nous passons deux jours dans une ville agréable et nous logeons dans un hôtel situé au bord de plage et nous sortons le maillot de bain de la valise.
Comme à chaque retour, les retrouvailles en famille se font dans la joie et tout mon petit monde reçoit ses cadeaux. En dix jours Françoise a bien changé. Elle a adopté une technique de déplacement sur les fesses et se traîne à toute vitesse en sursautant et en glissant sur le parquet ciré de la salle à manger.
Nous poursuivons notre recherche d’appartement dans la périphérie de Nîmes et nous décidons d’acheter un P5 dans l’ensemble de Nîmes-Ouest situé dans le quartier de PISSEVIN. Trois tours de 19 étages sont déjà construites et une seule est en cours de finition. Les immeubles portent des noms provençaux, nous habiterons donc à Li Becarut, ce qui semblerait dire en provençal : le flamant rose. L’appartement d’une surface de 115 m2 se situe au 5ème étage avec des expositions Ouest et Nord. Nous nous portons acquéreurs pour la somme de 115 000 francs.
Financièrement, nous pouvons sans difficultés réaliser cet achat, avec les trois enfants je bénéficierai toujours de l’allocation logement, car nous accédons à la propriété, et le déménagement est pris en compte du Mas du Diable à Nîmes-Ouest. D’autre part, nous serons exonérés de la taxe foncière pendant 20 ans et les remboursements de prêts seront inférieurs au montant des loyers que nous réglions au C.I.L.O.F. (nom de l’organisme de gestion des immeubles…)
Pendant les mois d’avril et de mai, nous n’effectuons que de petits vols de navigation tactique. Il y a une exception le 1er mai, où nous effectuons une surveillance maritime le long des côtes tunisiennes et libyennes. Près d’HAMMAMET, il y a toujours de nombreux bâtiments de guerre de la flotte soviétique et comme ils sont au mouillage hors des eaux territoriales, nous nous en approchons de très près pour les photographier.
Frégate type KASHIN au mouillage à Hammamet
Le 31 mai nous fêtons le 1er anniversaire de Françoise et le 1er juin nous emménageons dans notre nouvel appartement à Li Becarut. Comme d’habitude c’est Juliette qui fait le plus gros du travail car dès le 6 juin débute un important exercice interallié : « DAWN PATROL ».
Je suis intégré à l’équipage VICTOR FOX, en lieu et place de l’Enseigne de Vaisseau de 1ère classe DORMOY, Coordinateur Tactique (COTAC) de l’équipage, dont l’épouse doit accoucher dans les prochains jours.
VICTOR FOX, sous les ordres du L.V ZENGLER, décolle pour MALTE le 9 juin. De cette base nous opérons en Méditerranée Orientale et il y a une multitude de bateaux qui participent à cet exercice : américains, anglais, italiens et bien sûr français.
Nous effectuons des vols de 12 het au tableau de chasse fictif de l’équipage sont inscrits : Deux sous-marins coulés et un probable. Nous recevons les félicitations de l’Amiral commandant la TASK FORCE.
Le 19 juin, nous rallions la base de KINLOSS en Ecosse, pour effectuer un vol de navigation en mer de Norvège. Le but de la mission est de prendre rendez-vous à une heure et à un lieu très précis, avec un sous-marin de l’escadrille des S.M de LORIENT. Nous simulerons à basse altitude un rendez-vous éventuel avec un sous-marin nucléaire lanceur d’engins balistiques nucléaires, s’il devait faire surface dans l’urgence.
Avant notre départ d’Ecosse, nous faisons le plein de whisky (en duty free), sur le trajet du retour nous faisons escale sur l’aéroport du Bourget et le douanier de Nîmes ne vient pas nous contrôler à notre arrivée sur la B.A.N de Nîmes-Garons…
Cette année, la flottille 22F est en permission au mois d’août et le mois de juillet est un mois assez calme. Nous faisons de la NAVTAC (Navigation Tactique) et nous allons deux fois à Ajaccio, baignade et surtout pêche dans la darse d’ASPRETTO sont au programme. Je reviens à chaque fois avec une bourriche de poissons de roche et des oursins.
A la fin du mois, nous réalisons un voyage gastronomique sur Strasbourg, avec au menu la traditionnelle choucroute garnie et au dessert de la tarte aux framboises. Au retour, il n’y a que les pilotes, et le mécanicien de quart, qui travaillent, le reste de l’équipage roupille dans les six bannettes de l’appareil. Je réalise mon dernier vol à la 22 F.
Administrativement, je suis débarqué de la flottille 22 F le 29 juin pour la Flottille 21 F que je dois rallier le 1er septembre. Cette mutation s’effectue sur la même base, il faut juste transférer ses affaires d’un hangar à un autre. Le mois d’août, ce sont les permissions que nous passerons en partie à Mervans. Pendant notre séjour en Bourgogne, nous allons rendre visite, pour quelques jours, à ma belle-sœur Suzanne qui réside près de STUTTGART, en République Fédérale d’Allemagne.
1er septembre 1970. Je connais beaucoup de monde à la flottille 21 F. Le commandant me reçoit dans son bureau et m’annonce que j’aurai comme fonction au sol, celle d’officier chargé de l’armement. Comme je remplis toujours des fonctions dans les services Opérations – Entraînement, ce nouvel emploi ne m’enchante guère, mais j’en fais abstraction et j’obéis aux ordres.
Un nouvel équipage 1ère année est formé : U.D soit Uniform Delta. Le chef de bord est l’Officier des Equipages de 2ème Classe GUILLOU François, qui sort de l’école des O.E, je le connais un peu, nous étions ensemble en 1967 à HAO, où il était copilote su P.2.V.6 Neptune. Il arrive de Bretagne, de la 23 F de LANN-BIHOUE.
Le Commandant, en nous recevant tous les deux, nous informe que nous aurions un équipage formé d’officiers mariniers que d’autres commandants d’aéronefs avaient rejetés. Nous sommes tout de suite, par le reste de la famille, surnommé : « Equipage des DALTON ». Ces officiers mariniers étaient qualifiés, mais se faisaient souvent remarquer par des erreurs de comportement, surtout disciplinaires.
Il y a différentes façons de commander et d’utiliser au mieux ses personnels. J’ai la mienne et j’ai la responsabilité de la tranche tactique de l’aéronef. Je mets vite au pas mes subalternes en ce qui concerne nos relations : En vol : travail et sérieux, en escales : détente et franche camaraderie.
Le 22 septembre, je suis détaché pour quelques jours dans l’équipage UNIFORM GOLF pour participer à un exercice « CERVANTES ». Bien que nous soyons à l’équinoxe d’automne, nous avons un beau temps sur la Méditerranée et nous faisons un carton sur les sous-marins qui sont venus participer à l’exercice.
Pour UNIFORM DELTA, malgré que nous soyons un équipage de 1ère année, le Commandant de la flottille nous confie des missions opérationnelles. Nous réalisons des SURMAR (Surveillance Maritime) en Méditerranée, nous allons souvent observer les bâtiments soviétiques qui croisent où qui mouillent en face des côtes tunisiennes et libyennes.
En novembre, nous volons beaucoup. L’équipage Delta tourne bien et j’ai en particulier deux bons opérateurs radar et un autre spécialiste du MAD (Magnetic Anomaly Detector) qui réalisent des prouesses. Sur écho, pendant que nous nous déroutons, ils classifient l’objectif avant que nous ayons le visuel.
Le 10 novembre 1970, nous apprenons par la télévision, la mort du Général De Gaulle. Il est décédé la veille, dans sa maison familiale, attablé à son bureau. A la retraite, il résidait à « La Boisserie » située dans le village de Colombey les Deux églises. Il a succombé en fin d’après-midi à une rupture d’anévrisme. L’émotion est intense en France et dans le Monde. Le Général est inhumé le 12 novembre dans le caveau familial de Colombey, au côté de sa fille Anne, disparue en 1946.
Le jour de ses obsèques, je suis de service à la Base et je peux suivre la cérémonie retransmise à la télévision. J’ai toujours été un admirateur du Général De Gaulle, et je suis outré de voir les mêmes officiers sabler le champagne comme ils l’avaient fait à son départ de la Présidence de la République en avril 1969.
Comme chaque année, juste avant Noël, un Atlantic se rend à Lorient pour faire le plein de coquillages et crustacés, en particulier des araignées de mer et des tourteaux.
Ma maman est venue passer l’hiver près de nous, je suis allé la récupérer à la mi-novembre et elle bénéficie maintenant d’une chambre pour elle toute seule. Mes fils Christian et Jean-Luc sont ensemble et Françoise, encore bébé, dort près de nous.
1971
Avec nos bons résultats d’un équipage 1ère année, le Commandant nous juge apte à participer à tous les exercices et de plus, François GUILLOU est responsable des vols techniques après sortie des visites périodiques.
Je n’apprécie pas particulièrement ce genre de vols, il y a une compensation MAD à effectuer et en vol il faut réaliser une série de roulis et de tangages particulièrement vomitoires et où il faut associer des configurations de décrochages.
Le 22 janvier, c’est au cours d’un de ces vols techniques sur l’Atlantic N° 54 que nous avons le TRIM de profondeur qui est coincé en piqué. Tout l’équipage se positionne au poste de crash et sans la célérité du premier mécanicien et la dextérité de François, nous allions droit dans la grande bleue. Nous avons de la chance ce jour-là, et comme il est de tradition, trois jours plus tard, nous reprenons le même appareil pour vérifier et valider les réparations.
Février 1971 est un mois d’hiver avec pluie et neige. Cet hiver rigoureux impose un nombre limité de vols et je suis plus souvent à la maison. Je peux profiter de ma famille.
Au mois de mars, nous reprenons les SURMAR en Méditerranée Orientale et il nous faut voler douze heures pour réaliser une mission au nord de la Libye et au sud de la Crête. Trois heures de transit à 25 000 pieds sont nécessaires et nous pouvons rester 6 heures sur zone. La flotte soviétique est très importante dans la région, elle arrive de la Mer Noire et avant notre départ de Nîmes nous sommes informés de la situation des bâtiments reconnus par les forces alliées.
Le 23 mars, nous apercevons un périscope, le sous-marin soviétique plonge aussitôt, nous entreprenons immédiatement le pistage passif au MAD. Nous réalisons un cercle de chasse. Au premier contact nous exécutons une série de figures en trèfle et nous tenons le contact pendant une heure. Le sous-marin doit être d’un fort tonnage car le signal donné par magnétomètre est important. Nos alliés sont informés de cet intrus, et au retour du vol nous recevons un message de félicitations du Préfet Maritime de la IIIème Région.
Pour les vacances de Pâques, nous remontons la grand-mère à Mervans. Comme elle nous dit : « Je retrouve mon bled ! ». Elle a passé l’hiver au chaud près de nous et elle semble avoir apprécié. Ces dix jours de permission, dont une partie en Saône et Loire, passent bien vite.
Le 26 avril 1971, c’est le départ pour un nouveau grand voyage qui nous conduira au Brésil.
La France a toujours l’intention de vendre des Breguet Atlantic au Brésil et lorsque nous programmons ce voyage, les autorités maritimes ne changent rien à nos propositions d’escales.
C’est de jour, que nous nous sommes posés sur l’île de Tenerife. Le terrain est particulièrement dangereux par sa configuration. Coincée entre mer et montagne, la piste est assez longue mais en forte pente. Côté mer on peut avoir un ciel clair, alors que côté montagne on peut se retrouver dans les nuages.
L'équipage à Ténérife
Nous ne restons que 36 haux îles Canaries et nous avons programmé 13h30 de vol pour rallier Rio de Janeiro.
Notre Atlantic n°13 a le plein de Kérosène et à charge maximale, décolle dans le sens de la montée. Il mange beaucoup de piste avant de s’arracher, et sans vent, il met beaucoup de temps pour décoller.
Pendant la durée du vol au-dessus de l’Atlantique Sud, nous avons beau temps. A haute altitude nous n’avons pas trouvé le front inter tropical trop violent. La navigation astronomique de nuit est formidable.
C’est toujours le même spectacle merveilleux de découvrir en finale d’approche la baie de Rio de Janeiro. A l’arrivée, nous sommes accueillis à l’aéroport par le Consul de France et monsieur de TROCONIZ. Nous avons pensé, pour les remercier de leur accueil, à emporter de France quelques pots de Muguet.
L’équipage Uniform Delta
Nous sommes logés dans un hôtel qui donne sur la plage de Copacabana. Il n’y a que l’avenue à traverser pour prendre un bain de mer.
Tout l’équipage monte au Corcovado et au pain de sucre et le soir c’est la tournée dans les quartiers chauds de Rio. Nous sommes dix-huit marins en voyage. Notre équipage et cinq « invités », des matelots et officiers-mariniers de la flottille, ou de la Base que le Commandement récompense par un voyage outre-mer.
Nous ne risquons pas grand-chose à nous balader en groupe. D’ailleurs, parmi nous il y a même un fusilier commando spécialiste du combat.
Dans la soirée, nous faisons un V.S.V. (Vol Sans Visibilité) où en entrant dans une boîte de nuit, on ne voit qu’à peine le visage des filles tellement il y a de la fumée de cigarettes.
Un matin, nous retournons sur l’aéroport pour faire visiter l’Atlantic à des autorités brésiliennes et nous mettons les moteurs en route pour monter les différents équipements électroniques.
Le 2 mai, c’est déjà le départ pour Dakar. Le vol se déroule sans problème, c’est moins long que prévu et pendant notre séjour, nous sommes aux ordres du COMAR Dakar. C’est son adjoint, le général Marcel BIGEARD qui nous reçoit.
Pendant ces quatre jours sur le sol du Sénégal, nous assurons l’alerte S.A.R pour l’Atlantique Sud et nous devons réaliser deux SURMAR le long des côtes de la Mauritanie.
La zone est saturée par les bateaux de pêche russes, japonais ou coréens. Quelques-uns sont autorisés à pêcher dans la zone, les autres se trouvent à la limite de la zone de pêche et nous travaillons en coopération avec une vedette mauritanienne pour surveiller les droits.
Les midis, aux repas, nous apprécions les langoustes servies au mess de l’Unité Marine de Dakar, et avant de quitter le Sénégal, nous irons au marché faire le plein de crustacés, poissons et fruits tropicaux.
Pour le mois de juin, une importante activité est programmée : Voyage aux Antilles et en Guyane française, stage au Centre d’Entraînement (C.E) de la flotte à LANN-BIHOUE.
Le 1er juin, c’est le départ pour Fort de France en MARTINIQUE. Nous effectuons une escale à LAGES dans l’archipel des Açores. Pendant le blocus de Berlin, la base servait d’escale pour les gros porteurs de l’U.S Air Force, aussi le parking est immense. Nous restons la journée et effectuerons le reste du transit vers les Antilles de nuit. Notre patron d’équipage nous apprend qu’un de nos équipiers a attrapé une blennorragie (dans la Marine chaude-pisse ou maladie « vénitienne »…), nous l’emmenons aussitôt à l’infirmerie et il reçoit aussitôt dans les fesses quelques millions d’unités de pénicilline et on lui signifie de ne pas laisser traîner son sexe dans les toilettes de l’avion. Nous retrouvons avec plaisir Fort de France et nous sommes logés à l’Unité Marine, située près du centre-ville. Le soir, nous ne manquons pas d’aller déguster quelques planteurs au Grand Café, situé place Joséphine de BEAUHARNAIS.
Le lendemain de notre arrivée, nous partons en excursion jusqu’à Saint Pierre, une ville qui fût entièrement détruite par l’éruption de la Montagne Pelée, le 8 mai 1902. Baignade et repas au restaurant, avec le plat typiquement antillais : le « blaff ». Ce plat est une sorte de bouillabaisse mais à part le goût des épices, il ne vaut pas la bouillabaisse marseillaise.
De Fort de France à Cayenne, nous effectuons une SURMAR. A Cayenne, il n’y a pas de grandes découvertes à entreprendre, nous effectuons quelques achats de fleurs réalisées avec des plumes d’oiseaux. Nous retournons le même jour sur Fort de France.
Avant de repartir pour la métropole, comme nous disposons d’un véhicule, avec François nous allons visiter un peu la côte nord. Il y a beaucoup de végétation, des plantations de cannes à sucre et des bananeraies. Dans un endroit sans habitation à proximité de la route, nous en profitons pour « piquer » deux gros régimes de bananes.
Nous ne pouvons pas décoller à pleine charge de l’aérodrome de Fort de Franc, aussi nous rallions Pointe à Pitre. De là nous pourrons, par un vol direct vers Nîmes de 14 h, rallier la France avec la moitié du vol réalisé de nuit.
Le 22 juin, nous commençons le stage C.E.F, une partie des vols s’effectue en Méditerranée pour les missions antisurface, et avec les sous-marins de Lorient pour les exercices A.S.M dans l’Atlantique, nous serons basés à LANN-BIHOUE.
Nous commençons à expérimenter les bouées actives, une grosse amélioration avec la tactique « Julie ». Lorsque le contact avec le sous-marin est établi, nous recevons constamment les distances du but. Jusqu’à la mi-juillet, nous effectuons de nombreux voyages à LANN-BIHOUE et réalisons de nombreuses heures de vol. Nous effectuons un très bon stage au C.E.F et nous recevons les félicitations du Commandant pour nos résultats.
Le 23 juillet, départ pour KINLOSS en Ecosse. Durée de la mission une semaine. A partir de cette grande base de la Royal Navy, nous effectuons des SURMAR en mer Norvège.
Un jour de repos, nous allons nous balader sur les bords du LOCH NESS, mais le monstre n’a pas voulu se montrer ce jour-là. Nous achetons des peaux de mouton et je trouve un joli tableau pour la chambre de ma fille Françoise.
Entre juin et juillet, l’équipage U.D a effectué 130 heures de vol et il mérite bien un mois de permission.
Toute la famille se retrouve en vacances à Mervans, mais il n’y a pas beaucoup de distraction. C’est décidé, pour l’année prochaine nous chercherons un lieu de vacances à la montagne.
Le dimanche 4 octobre 1971, l’équipage est désigné pour se rendre sur l’aérodrome du CASTELLET appartenant à Paul RICARD. Il y a aussi un circuit automobile et de nombreuses courses de motos de petites et grosses cylindrées sont organisées.
Vers 16h00, entre deux courses, nous devons présenter en vol l’Atlantic, faire un passage à grande vitesse et un autre en configuration d’atterrissage.
L’équipage est au complet et nous emmenons quelques mécanos de la flottille pour une sortie.
A midi, nous déjeunons au restaurant de l’aéroport avec monsieur Paul RICARD. Je m’attendais à voir arriver le P.D.G d’une aussi importante entreprise dans une super limousine ou une ROLLS-ROYCE, mais non, c’est au volant d’une AMI 6 Citroën qu’il nous rejoint. Au repas, nous découvrons un homme très aimable.
Lorsque l’heure de notre démonstration est arrivée, nous décollons sans problèmes mais il nous est impossible de rentrer la roue gauche du train d’atterrissage. Elle est bloquée.
Juste avant la mise en route des moteurs, il y a cinq sécurités : deux qui bloquent les commandes et trois qui verrouillent les roues du train d’atterrissage et la roulette de nez. A chacune de ces sécurités est fixée une grande flamme rouge. Dans la check-list d’avant décollage, le mécanicien de bord doit annoncer : « cinq sécurités à bord ! ». Que s’est-il passé ?
Un jeune mécano a bien enlevé la flamme mais il a laissé en place la goupille et il nous est impossible de rentrer le train sous l’aile gauche. François annonce à la tour de contrôle que nous avons un ennui technique et nous rentrons immédiatement sur Nîmes train d’atterrissage sorti.
Inutile de dire que cet incident n’est pas resté inaperçu par bon nombre de spectateurs et aussitôt les autorités maritimes de Toulon sont averties.
Le lundi matin, il faut rendre des comptes, François et les deux mécaniciens de bord sont convoqués auprès du Commandant. Le Premier Maître BOTTASSO, se voit infliger seul, 4 jours d’arrêt simple avec sursis, le Pacha a été clément.
Grosse activité en novembre, avec l’exercice interallié « Iles d’UR » qui durera une dizaine de jours. L’équipage effectue quatre missions de dix heures en moyenne. Il n’y a pas beaucoup de transit et c’est environ huit heures que nous passons en opérations. Je suis très occupé, car je n’ai personne pour me relever, comme coordinateur technique. Pour le casse-croûte, entre deux stations radar, j’ai juste le temps de manger une tranche de jambon ou une petite boite de thon.
Pendant toute la durée de l’exercice la météo est très mauvaise, notre tableau de chasse est bien maigre. Nous n’avons pas de possibilité de détection au radar et à l’écoute passive, avec les barrages de bouées nous n’avons que des probabilités d’écho.
Pendant toute cette période, soit en vol soit en alerte j’ai l’impression de ne pas quitter l’avion et le peu de temps que je passe à la maison, c’est pour dormir. Mon épouse Juliette m’attend toujours à mon retour, et je bénéficie d’un bon bain réparateur. Un matin, je m’endors dans la baignoire…
A la fin du mois nous réalisons des SURMAR près des côtes de la Tunisie et celles de la Libye.
Début décembre, nous décollons avec les pleins au complet, notre ordre de mission est secret et nous ne devons connaître le but de notre mission qu’une fois en vol. Nous effectuons 9 h en vol de nuit pour rejoindre un point K puis un point J quelque part en Méditerranée. Au retour de notre mission nous remettons au PC OPS tous les enregistrements de vol…pour garder le secret.
Notre équipage est en permission à partir du 30 décembre, un Atlantic de la 22 F va chercher les huîtres en Bretagne et nous fêtons le jour de l’an tous les cinq en famille, la mémé BASSARD est au Creusot chez ma sœur et la famille BARDOL.
[à suivre...]